20
Noir et blanc

 

 

Alors qu’il était sur le point d’être submergé par la fatigue et la douleur dans son bras, Wulfgar s’appuya lourdement contre la paroi lisse d’un passage qui s’élevait vers les étages supérieurs du repaire. Il serra fort sa blessure, espérant ainsi contenir le flux de ses forces vitales.

Comme il se sentait seul…

Il savait qu’il avait eu raison de renvoyer ses amis, qui ne pouvaient guère l’aider et dont la position, face au couloir principal et devant l’endroit qu’avait choisi Entreri pour installer son piège, les rendait particulièrement vulnérables. Il devait désormais progresser seul, probablement jusqu’au cœur de la tristement célèbre Guilde des Voleurs.

Il relâcha sa prise sur son biceps et examina la blessure. L’hydre l’avait profondément mordu mais il s’aperçut qu’il était encore capable de bouger le bras. Il manipula prudemment Crocs de l’égide, en portant quelques coups dans le vide.

Puis il s’affaissa une nouvelle fois contre le mur et tenta d’élaborer un plan d’action pour cette cause qui semblait véritablement désespérée.

 

***

 

Drizzt enfilait les tunnels les uns après les autres, ralentissant de temps à autre son allure afin de guetter le moindre bruit susceptible d’orienter sa poursuite. Il ne s’attendait pas vraiment à percevoir quoi que ce soit ; Entreri était capable de se déplacer aussi silencieusement que lui et, comme lui, il disposait d’une torche, peut-être même d’une bougie.

Néanmoins, il restait confiant dans les choix qu’il prenait à chaque intersection, comme s’il était guidé par les mêmes raisonnements que l’assassin. Il sentait sa présence et connaissait cet homme bien mieux qu’il l’aurait admis ; Entreri ne pouvait pas davantage lui échapper que lui aurait pu le fuir. Leur affrontement avait débuté à Castelmithral des mois auparavant – ou peut-être n’était-ce que l’incarnation actuelle et la continuation d’un plus grand combat engendré à l’aube des temps – mais, pour Drizzt comme pour Entreri, deux pions dans la lutte éternelle des principes, ce chapitre de la guerre ne s’achèverait pas tant que l’un des deux n’aurait pas crié victoire.

Drizzt repéra une lueur sur le côté – non pas la lumière vacillante d’une torche mais un faisceau argenté constant. Il s’en approcha avec prudence et découvrit une grille ouverte, sous laquelle les barreaux de fer mouillés d’une échelle fixée à la paroi de l’égout étaient vivement éclairés par un rayon de lune. Drizzt jeta un rapide – trop rapide – coup d’œil autour de lui et se rua sur l’échelle.

Les ombres situées à sa gauche entrèrent soudain en mouvement et Drizzt perçut l’éclat révélateur d’une lame juste à temps pour pivoter légèrement. Il chancela en avant et sentit une brûlure lui déchirer les omoplates, puis l’humidité de son sang qui coulait sous sa cape.

Drizzt ignora la douleur, conscient que la moindre hésitation signerait son arrêt de mort, et fit volte-face avant de plaquer le dos contre le mur. Ce faisant, il fendit l’air des deux lames incurvées de ses cimeterres en une spirale défensive.

Entreri ne lâcha aucun sarcasme cette fois. Il avait surgi avec rage, agitant son sabre de tous côtés et sachant pertinemment qu’il devait en finir avec l’elfe avant que celui-ci récupère du choc de l’embuscade. La finesse avait cédé la place à la brutalité, engloutissant l’assassin offensé dans une frénésie de haine.

Il bondit sur Drizzt et bloqua l’un des bras du drow sous son propre membre touché et tenta de se servir de sa force brute pour plonger son sabre dans le cou de son adversaire.

Drizzt se ressaisit suffisamment rapidement pour contrôler la première offensive. Il abandonna son bras à la prise de l’assassin et se concentra uniquement sur le fait de lever son cimeterre encore libre afin de parer le coup. La poignée de son arme se bloqua une nouvelle fois contre celle du sabre d’Entreri, stoppée net à mi-chemin entre les deux combattants.

Derrière leurs lames respectives, Drizzt et Entreri se toisèrent avec une haine déchaînée, leurs visages déformés séparés seulement d’une dizaine de centimètres l’un de l’autre.

— De combien de crimes vais-je te punir, assassin ? gronda Drizzt.

Renforcé par ses propres mots, l’elfe repoussa légèrement le sabre, modifia l’angle de son arme mortelle et parvint à l’orienter de façon plus menaçante vers Entreri.

Celui-ci ne répondit rien, pas plus qu’il ne parut s’inquiéter de la légère modification des forces appliquées sur les épées. Un air sauvage et euphorique apparut dans ses yeux et ses lèvres découvrirent un sourire maléfique.

Drizzt comprit alors que le tueur disposait d’un autre tour dans sa manche.

Avant que le drow ait compris de quoi il s’agissait, Entreri cracha une pleine gorgée d’eau crasseuse des égouts dans ses yeux lavande.

 

***

 

Les bruits d’un nouveau combat guidèrent Bruenor et Catti-Brie dans les tunnels. Ils aperçurent les deux silhouettes éclairées par la lune au moment où Entreri jouait son tour pernicieux.

— Drizzt ! cria la jeune femme, comprenant qu’il lui était impossible de le rejoindre, ni même de se saisir de son arc à temps pour arrêter Entreri.

Bruenor grogna et se lança en avant avec une seule pensée en tête : si Entreri tuait Drizzt, il découperait ce chien en deux !

 

***

 

La piqûre et le choc de l’eau firent voler en éclats la concentration de Drizzt, ainsi que sa force, l’espace d’une fraction de seconde, mais il sut que ce laps de temps était déjà trop long face à Artémis Entreri. Il jeta désespérément la tête sur le côté.

Entreri abattit son sabre et entailla le front de l’elfe, écrasant du même coup le pouce de celui-ci entre les deux poignées.

— Je t’ai eu ! hurla-t-il, croyant à peine à ce soudain renversement de situation.

En cet instant affreux, Drizzt ne put contredire cette remarque. Cependant, le drow riposta, plus par instinct que par calcul, avec une agilité qui le surprit lui-même. En un petit saut, il plaça un pied derrière la cheville d’Entreri et cala l’autre sous lui, contre le mur. Il poussa aussitôt et se tourna dans le mouvement. Sur le sol glissant, Entreri n’avait aucune chance d’éviter de basculer. Il s’écroula donc en arrière dans le ruisseau boueux et Drizzt plongea sur lui.

Le poids de la lourde chute du drow enfonça la garde de son cimeterre dans l’œil de l’assassin. Drizzt récupéra de la surprise de sa propre contre-attaque plus rapidement que son adversaire et ne laissa pas passer cette occasion. Il tourna sa main sur la poignée et l’extirpa d’Entreri avant d’abattre le cimeterre d’un coup bas et d’en plonger la pointe entre les côtes de l’assassin. Avec une satisfaction macabre, il le sentit déchirer les chairs.

Ce fut au tour d’Entreri de tenter une manœuvre désespérée. N’ayant plus le temps de se défendre avec sa lame, il frappa directement le visage de Drizzt du bout de la poignée de son sabre. Le nez de l’elfe fut écrasé contre sa joue et mille couleurs dansèrent dans ses yeux. Il se sentit soulevé puis rejeté sur le côté avant que son cimeterre ait achevé son travail.

Entreri se mit aussitôt hors de portée et s’extirpa de l’eau trouble. De son côté, Drizzt roula également un peu plus loin, luttant contre son étourdissement afin de se rétablir sur pieds. Quand ce fut fait, il se retrouva une nouvelle fois face à l’assassin, ce dernier encore plus mal en point que lui.

Par-dessus l’épaule du drow et en direction du tunnel, Entreri vit le nain qui chargeait et Catti-Brie qui ajustait son arc mortel sur son visage. Il bondit sur le côté, agrippa les barreaux de fer, et grimpa vers la rue.

Catti-Brie le suivit d’un mouvement fluide, le voyant déjà mort. Personne, pas même Artémis Entreri, n’était capable de lui échapper une fois qu’elle l’avait pris pour cible.

— Arrête-le, fillette ! hurla Bruenor.

Drizzt avait été si concentré sur son combat qu’il n’avait pas vu survenir ses amis. Il se retourna et vit Bruenor débouler et Catti-Brie sur le point de décocher sa flèche.

— Attendez ! s’écria-t-il sur un ton qui figea le nain et provoqua des frissons dans le dos de la jeune femme. (Tous deux se tournèrent, bouche bée, vers Drizzt.) Il est à moi !

Entreri vit immédiatement sa chance. À l’air libre et dans les rues, dans ses rues, il lui serait possible de trouver un refuge.

Ses amis, troublés, ne lui ayant rien répondu, Drizzt plaqua le masque magique sur son visage et ne tarda pas à suivre son ennemi.

 

***

 

Songer que le retard qu’il prenait était susceptible de mettre ses amis en danger – car ils étaient partis en courant afin de trouver un chemin pour le retrouver dans la rue – poussa Wulfgar à agir. Il agrippa fermement Crocs de l’égide de la main de son bras blessé, contraignant ainsi ses muscles meurtris à répondre à ses ordres.

Puis il pensa à Drizzt, à cette qualité que son ami possédait ; il savait faire abstraction de la peur dans les situations désespérées et la transformer en acharnement obstiné.

Cette fois, ce fut au tour des yeux de Wulfgar de briller d’un feu intérieur. Campé sur ses jambes écartées dans le couloir, il expirait de grandes bouffées d’air comme autant de grognements, tandis que ses muscles se contractaient et se relâchaient selon un rythme qui les affûtait en vue de la perfection au combat.

Le quartier général de la Guilde des Voleurs, songea-t-il. Le bâtiment le mieux défendu de Portcalim…

Un sourire se dessina sur le visage du barbare. La douleur avait maintenant disparu et la fatigue s’était envolée de ses os. Son sourire se mua en un rire qui venait du fond de son cœur quand il s’élança.

Il était temps de se battre.

Il remarqua la pente ascendante du tunnel alors qu’il le suivait en courant et devina que la porte suivante sur laquelle il déboucherait serait au niveau de la rue, ou non loin de là. Il parvint bientôt, non pas devant une, mais trois portes : une située à l’extrémité du couloir et une autre de chaque côté. Wulfgar ralentit à peine, prenant le parti que la direction qu’il suivait en valait bien une autre, défonça la porte du fond et surgit dans une salle de guet octogonale, abritant quatre gardes très surpris.

— Eh ! s’écria celui qui était posté au milieu de la pièce.

Le poing massif de Wulfgar le mit à terre. Le barbare avisa une autre porte, du côté opposé à celui par où il venait d’entrer, et fondit droit dessus, espérant quitter cette salle sans devoir combattre.

L’un des gardes, un petit malfrat chétif aux cheveux noirs, se révéla plus rapide que lui. Il se précipita sur la porte qu’il verrouilla d’un tour de clé. Il se tourna ensuite vers Wulfgar en tenant la clé devant lui, et dévoila des dents cassées en guise de sourire.

— Clé…, murmura-t-il avant de lancer l’objet à l’un de ses collègues.

La main de géant de Wulfgar attrapa le voyou par la chemise et lui arracha au passage plus que quelques poils du torse. Le petit bandit fut soulevé du sol.

D’un bras, le barbare l’envoya à travers la porte.

— La clé, en effet, dit-il en enjambant les morceaux de bois et le voleur affalé.

Tout danger n’était cependant pas écarté. Il déboucha dans une grande salle commune, sur laquelle donnaient directement une dizaine de chambres. Des cris d’alarme suivirent Wulfgar alors qu’il la traversait en courant et un plan défensif minutieusement répété s’exécuta autour de lui. Les voleurs humains, les membres originels de la guilde d’Amas, se réfugièrent dans les ombres et la sécurité de leurs quartiers. En effet, ils avaient été relevés de la responsabilité de s’occuper des intrus plus d’un an auparavant – depuis que Rassiter et sa bande avaient rejoint la guilde.

Wulfgar se rua vers une courte volée de marches, qu’il avala d’un seul saut avant d’enfoncer la porte située à son sommet. Un dédale de pièces et de couloirs lui fit alors face, ainsi qu’un trésor d’œuvres d’art – des statues, des peintures et des tapisseries – qui dépassait toutes les collections qu’il avait jamais imaginées. Il n’eut toutefois pas le temps de l’apprécier, lorsqu’il aperçut les silhouettes qui l’avaient pris en chasse. Il les vit d’abord sur les côtés puis elles se rassemblèrent dans les couloirs situés devant lui afin de lui couper la route. Il savait de qui il s’agissait ; il sortait à peine de leurs égouts.

Il connaissait l’odeur des rats-garous.

 

***

 

Fermement campé sur ses pieds, Entreri se tenait prêt quand Drizzt apparut par la grille ouverte. Quand la silhouette du drow se dessina dans l’ouverture, l’assassin abattit brutalement son sabre.

Drizzt avait escaladé les barreaux de fer en parfait équilibre, les mains libres, et s’était attendu à un tel geste. Il avait donc croisé ses cimeterres au-dessus de la tête au moment où il surgit. Il intercepta ainsi l’arme d’Entreri et la dévia sur le côté sans essuyer aucun dommage.

Ils se retrouvèrent face à face dans la rue.

Les premières lueurs de l’aube se dessinaient à l’horizon est et la température avait déjà commencé à s’élever, tandis que la cité paresseuse s’éveillait autour d’eux.

Entreri se précipita à l’assaut et Drizzt le repoussa grâce à des contres parfaits et une force pure. Le drow ne cilla pas, les traits figés en une grimace déterminée. Il s’approcha méthodiquement de l’assassin, ses deux cimeterres assenant des coups solides et réguliers.

Son bras gauche désormais inutile et son œil gauche ne discernant plus que du flou, Entreri savait qu’il ne pouvait plus espérer remporter la victoire. Drizzt l’avait également compris, aussi accéléra-t-il le rythme, multipliant les coups portés sur le sabre d’Entreri afin d’user encore plus la dernière défense de celui-ci.

Mais alors que Drizzt poursuivait son combat, son masque se détacha une fois encore et glissa de son visage.

Entreri esquissa un sourire, conscient d’avoir une nouvelle fois échappé à une mort certaine. Il entrevit une issue.

— Pris en flagrant délit de mensonge ? murmura-t-il, d’un air mauvais.

Drizzt comprit aussitôt.

— Un drow ! hurla Entreri à la foule qui, il le savait, observait l’affrontement dans l’ombre. De la forêt de Mir ! Un éclaireur, qui devance une armée ! Un drow !

La curiosité fit sortir de nombreuses personnes de leurs cachettes. Le combat avait été assez intéressant jusque-là, mais à présent le peuple de la rue s’approchait pour vérifier les dires de l’assassin. Un cercle se forma peu à peu autour des combattants, qui entendirent le tintement d’épées sorties de leurs fourreaux.

— Adieu, Drizzt Do’Urden, murmura Entreri sous le tumulte grandissant et les cris de « drow ! » qui s’élevaient de partout.

Drizzt ne put nier l’efficacité de la manœuvre de l’assassin. Il regarda autour de lui, s’attendant à une attaque à tout instant.

Entreri avait obtenu la distraction qu’il souhaitait. Alors que l’elfe jetait un nouveau coup d’œil sur le côté, il s’échappa en fendant la foule tout en hurlant :

— Tuez le drow ! Tuez-le !

Drizzt se retourna, ses lames prêtes, tandis que la foule approchait prudemment. Catti-Brie et Bruenor survinrent à cet instant dans la rue et comprirent la situation du premier coup d’œil, ainsi que ce qui était sur le point de se produire. Le nain se précipita aux côtés de l’elfe et la jeune femme encocha une flèche.

— Arrière ! gronda Bruenor. Il n’y a pas de diable ici, à part celui que vous autres pauvres idiots avez laissé s’échapper !

Un homme s’approcha avec assurance, sa lance brandie devant lui.

Une explosion argentée détruisit le manche de l’arme et en fendit l’extrémité. Horrifié, l’inconnu lâcha la lance brisée et se tourna vers le côté, où Catti-Brie avait déjà encoché une autre flèche.

— Partez ! cria-t-elle. Laissez l’elfe tranquille ou mon prochain tir ne visera pas votre arme !

L’homme recula et la foule perdit son enthousiasme aussi vite qu’il s’était éveillé. Aucune de ces personnes n’avait réellement eu l’intention d’affronter un elfe drow, si bien qu’ils se montrèrent tout à fait disposés à croire les paroles du nain assurant que celui-là n’était pas maléfique.

C’est alors qu’une agitation, plus loin dans la rue, fit tourner toutes les têtes. Deux des gardes déguisés en clochards devant le bâtiment de la Guilde des Voleurs ouvrirent la porte – parce qu’ils avaient entendu des bruits de combat – et se ruèrent à l’intérieur avant de claquer le battant derrière eux.

— Wulfgar ! s’écria Bruenor en se précipitant.

Catti-Brie, qui s’apprêtait à le suivre, se retourna et avisa Drizzt.

Le drow semblait indécis et regardait d’une part vers la guilde, d’autre part, dans la direction qu’avait prise l’assassin. Il avait battu Entreri ; ainsi blessé, ce dernier, ne pouvait plus se dresser contre lui.

Comment pouvait-il simplement laisser fuir Entreri ?

— Tes amis ont besoin d’toi, lui rappela Catti-Brie. Si ce n’est pas Régis, alors c’est Wulfgar.

Drizzt secoua la tête en s’adressant des reproches. Comment avait-il pu seulement envisager d’abandonner ses amis en un moment aussi critique ? Il doubla Catti-Brie en trombe et se lança aux trousses de Bruenor.

 

***

 

Au-dessus du Cercle des Bandits, la clarté de l’aube avait déjà atteint les immenses appartements du Pacha Amas. LaValle s’avança prudemment vers le rideau du côté de sa chambre et l’écarta. Même lui, magicien expérimenté, n’aurait pas osé approcher avant le lever du soleil l’appareil du mal innommable ; le Cercle de Taros, son dispositif le plus puissant – et le plus effrayant.

Il agrippa son cadre métallique et le fit glisser hors du placard étroit. Sur son socle et ses roulettes, il était plus grand que lui, avec son cercle ouvragé, suffisamment large pour qu’un homme puisse y pénétrer, situé à près de trente centimètres du sol. Amas avait fait remarquer que cet objet ressemblait au cerceau dont le dompteur de ses fauves se servait pendant leur entraînement.

Cependant, un lion bondissant à travers le Cercle de Taros se serait difficilement réceptionné de l’autre côté.

LaValle tourna le cercle et le plaça face à lui, puis il examina la toile d’araignée symétrique qui en remplissait l’intérieur. Celle-ci paraissait très fragile mais LaValle était conscient de la solidité de ses fibres, générée par un pouvoir magique qui transcendait jusqu’aux plans d’existence.

Il glissa dans sa ceinture le déclencheur de l’instrument, un sceptre fin surmonté d’une énorme perle noire, puis il fit rouler le Cercle de Taros jusqu’à la pièce centrale de l’étage. Il espérait avoir le temps de tester son plan car il voulait à tout prix ne pas décevoir une fois de plus son maître ; le soleil était presque plein dans le ciel de l’est et Amas verrait d’un mauvais œil le moindre retard.

Encore en chemise de nuit, ce dernier se présenta dans la pièce quand LaValle l’appela. Les yeux du maître de guilde s’éclaircirent à la vue du Cercle de Taros, qu’il considérait comme un simple jouet merveilleux, n’étant lui-même ni magicien, ni au fait des dangers liés à un tel objet.

LaValle se tenait devant le dispositif, le sceptre dans une main et la figurine d’onyx de Guenhwyvar dans l’autre.

— Prenez ceci, dit-il à Amas en lui tendant la statuette. Nous rattraperons la panthère plus tard ; je n’en ai pas besoin pour la tâche qui nous attend. (Amas remisa distraitement la figurine dans sa poche.) J’ai fouillé les plans d’existence. Je savais que le félin se trouverait sur le plan Astral mais je n’étais pas certain que le halfelin y soit toujours – s’il était parvenu à en sortir. Bien entendu, le plan Astral est très étendu.

— Assez ! interrompit Amas. Viens-en au fait. Qu’as-tu à me montrer ?

— Simplement ceci, répondit LaValle en agitant le sceptre devant le Cercle de Taros.

La toile vibra sous l’effet de sa puissance et quelques légers éclairs apparurent. Petit à petit, la luminosité gagna en intensité et finit par remplir les interstices entre les fils, puis l’image de la toile disparut pour laisser place à un arrière-plan d’un bleu nuageux.

Le magicien prononça une incantation et le cercle prit une teinte gris brillant, montrant une scène du plan Astral. Les bras derrière la tête et les jambes croisées, Régis était assis, confortablement adossé contre ce qui ressemblait à un arbre, une ébauche de chêne brillant de mille feux.

Amas chassa l’étourdissement qui venait de le saisir.

— Attrape-le ! dit-il en toussant. Comment peut-on l’attraper ?

Avant que LaValle réponde, la porte s’ouvrit à la volée et Rassiter entra en trébuchant dans la pièce.

— De la bagarre, Amas, balbutia-t-il, hors d’haleine. Aux niveaux inférieurs… Un géant barbare…

— Vous m’aviez promis de vous en charger ! gronda Amas.

— Les amis de l’assassin…, commença le rat-garou.

Amas n’avait toutefois pas de temps à consacrer à des explications. Pas maintenant.

— Fermez la porte, dit-il à Rassiter.

Celui-ci se tut et obtempéra. Amas allait suffisamment être furieux contre lui quand il serait mis au courant du désastre survenu dans les égouts – inutile d’en rajouter.

Le maître de guilde se retourna vers LaValle et ce ne fut pas une question qu’il lui adressa alors.

— Attrape-le.

Le magicien reprit son incantation à voix basse et agita de nouveau le sceptre devant le Cercle de Taros, puis il tendit le bras à travers le rideau transparent qui séparait les plans et agrippa Régis, qui somnolait, par les cheveux.

— Guenhwyvar ! parvint à crier le halfelin.

Hélas, LaValle le tira à travers le portail et il s’écroula à terre où il roula jusqu’aux pieds du Pacha Amas.

— Oh… Bonjour…, bégaya-t-il en regardant Amas avec un air contrit. Et si nous parlions de tout ça ?

Amas lui répondit par un violent coup de pied dans les côtes avant de planter le bout de sa canne sur la poitrine de Régis.

— Tu me supplieras mille fois de te tuer avant que je te libère de ce monde, lui promit le maître de guilde.

Régis n’en doutait pas une seconde.

Le Joyau du Halfelin
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